La résistance au changement éclaire un paradoxe connu : vouloir évoluer et, pourtant, rester immobile. Comprendre cette dynamique, proche de l’immunité au changement théorisée par RObert Kegan et Lisa Lahey, aide à engager une transformation durable sans se trahir.
Connaissez-vous l’immunité au changement ?
Quelle expression parlante : immunité au changement. Comme une réaction réflexe, presque physiologique, face à toute tentative de transformation. Kegan et Lahey la décrivent avec précision. Leur approche croise psychologie, développement personnel et monde professionnel.
Pourquoi échouons-nous à changer alors que nous savons que c’est bon pour nous ? La résistance au changement n’est pas qu’un manque de volonté. Elle fonctionne comme un système de protection. Il se déclenche quand un objectif menace un équilibre interne, réel ou supposé.
Quand l’obstacle, c’est nous
On a tous vécu ce paradoxe. Vouloir arrêter de fumer, quitter un poste toxique, sortir d’une relation nocive. Savoir que ce serait bénéfique. Et pourtant, rien ne bouge. Autour, les commentaires se répètent : manque de volonté, peur de l’échec, absence d’ambition.
En réalité, ce qui bloque, ce n’est pas l’objectif. C’est une résistance au changement souvent inconsciente. Le mécanisme protège des pertes perçues : statut, appartenance, liberté, identité. L’immunité au changement tire les ficelles pour maintenir le connu.
Prenez un exemple concret : vous rêvez de reconversion. Pourtant, rien ne bouge. Et si, inconsciemment, réussir exposait à une pression nouvelle ? À une perte de liberté ? À un retour vers des schémas anciens ? La protection gagne. L’action recule.
L’histoire de Jérôme : un cas de motivations concurrentes
Jérôme, 43 ans, cherche un poste dans une multinationale. Il est brillant, motivé, structuré. Pourtant, cela ne fonctionne pas. En entretien, il envoie des signaux contradictoires. Une forme de cynisme apparaît. Il veut ce poste et, en même temps, il freine.
Dessous, on observe une résistance au changement active. Jérôme craint de revivre l’épuisement d’hier. Réussir pourrait l’exposer à un environnement nocif. Il sabote sans s’en rendre compte. Kegan et Lahey parlent de motivations concurrentes cachées. Elles protègent un bénéfice secret.
Identifier ce bénéfice caché change la donne. Le but n’est plus uniquement « décrocher un poste ambitieux ». Le but devient « décrocher un poste exigeant tout en préservant ma santé et mon indépendance ». La cible évolue. La protection baisse d’un cran.
Identifier les croyances profondes
Ces résistances reposent sur de grandes suppositions. Elles se construisent tôt ou après des chocs. Exemple chez Jérôme : « Si je m’engage trop, je perds ma liberté. Si je dépends d’un employeur, je deviens vulnérable. »
Ces croyances, tant qu’elles restent implicites, perturbent les choix. Elles biaisent la décision. Elles entretiennent la résistance au changement. Les rendre conscientes les affaiblit. La cartographie des suppositions ouvre une marge d’action stable.
Le travail sur soi consiste alors à tester ces croyances dans la réalité, sans tout remettre en cause. Observer les résultats. Ajuster les comportements. C’est souvent à ce stade que le changement devient possible, sans heurt ni rupture brutale.
Repenser l’objectif pour changer en sécurité
Changer ne consiste pas à tout casser. Il s’agit d’ajuster l’objectif pour qu’il reste compatible avec ce que l’on est. La résistance au changement diminue quand l’objectif respecte les valeurs centrales et les contraintes réelles.
Dans le cas de Jérôme, l’ajustement est net. Il cherche un environnement exigeant mais protecteur. Il négocie des marges d’autonomie, des temps de récupération, un droit à l’alerte. L’immunité au changement peut relâcher. La trajectoire redevient viable.
Ce recadrage n’est pas un renoncement. C’est un réalignement. La performance reste possible. Le coût psychique baisse. L’action redevient soutenable.
Passer du blocage à l’élan
La clé tient en trois mouvements. Reconnaître la protection à l’œuvre. Reformuler la cible pour respecter les contraintes non négociables. Pratiquer des essais réversibles, bornés dans le temps.
Avec ce cadre, la résistance au changement baisse. L’immunité au changement devient un signal utile. L’élan reprend. La trajectoire gagne en cohérence et en stabilité.

